Réinsertion professionnelle avec l'AI – témoignage d’une personne avec autisme

Deux personnes sont assises face à face à une table. L’une prend des notes sur son ordinateur portable et sourit, l’autre parle et a l’air sérieuse. À l’arrière-plan, on aperçoit une horloge murale et une petite étagère avec une plante.
Deux personnes sont assises face à face à une table. L’une prend des notes sur son ordinateur portable et sourit, l’autre parle et a l’air sérieuse. À l’arrière-plan, on aperçoit une horloge murale et une petite étagère avec une plante.

La réinsertion professionnelle par l’assurance invalidité (AI) vise à faciliter le retour à la vie active des personnes en situation de handicap. Mais cette bonne intention se heurte souvent à des obstacles bureaucratiques, à des évaluations inadaptées et à un manque de compréhension, en particulier pour les personnes autistes. Dans cet article, Isabelle* raconte son parcours au sein du système AI et montre comment un accompagnement plus humain, plus efficace et mieux adapté aux besoins pourrait être mis en place.

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Autisme et job: entre masque social et épuisement intérieur

«Après mon diagnostic d’un trouble du spectre de l’autisme (TSA) suivi de quelques arrêts maladie, ma vie professionnelle a pris un tournant inattendu. Bien que mon parcours professionnel ait été relativement réussi, j’avais déjà vécu les affres du burn-out et des arrêts maladie sporadiques. Épuisée mais perfectionniste, j’acceptais des postes de plus en plus exigeants, cachant mon état sous une façade de compétence inébranlable. Chaque tâche était un défi, chaque réussite un camouflet à mon propre bien-être.

Même une fois le diagnostic posé, je me suis accrochée à mon mantra: «Quand on veut, on peut.» Pourtant, mes forces m’avaient quittée depuis longtemps. J’ai ignoré les signaux d’alerte envoyés par mon corps, ainsi que les avertissements de mon psychiatre. Le jour de l’expertise AI, je portais encore mon masque social: fonctionnelle, maitrisée, apparemment résiliente. J’ai fait semblant d’aller bien, de pouvoir tenir le coup, alors qu’en réalité, j’étais déjà bien au-delà de mes limites.

Suggestions d’amélioration pour l’expertise AI

L’Assurance-invalidité (AI) joue un rôle crucial dans le soutien et la réinsertion des personnes avec des TSA et autres neurodivergences. Toutefois, le processus actuel d’évaluation et de réadaptation présente d’importantes lacunes. Celles-ci nuisent non seulement à l’efficacité des mesures proposées, mais sapent également la confiance des personnes concernées. Forte de mon expérience personnelle et de mes observations de terrain, je souhaite formuler des propositions concrètes pour renforcer l’expertise au sein de l’AI et améliorer l’accompagnement des personnes concernées:

1. Renforcer les connaissances et la compréhension des TSA

Les expert-es de l’AI doivent approfondir leur compréhension des TSA et des mécanismes de camouflage utilisés par les personnes atteintes de ce trouble. Un meilleur discernement des subtilités permettrait de saisir pleinement son impact et d’adapter les interventions en conséquence.

2. Mener des entretiens approfondis

Lors des évaluations, les expert-es doivent poser des questions approfondies, même si elles peuvent sembler dérangeantes. Cela permet de cerner précisément l’état de la personne évaluée, notamment lorsqu’elle est confuse ou incapable de communiquer clairement ses ressentis. Cette approche peut révéler des aspects cachés essentiels à une évaluation précise.

3. Travailler en étroite collaboration avec le/la thérapeute principal-e

Pour garantir une évaluation fondée et fidèle à la réalité, il est essentiel d’impliquer activement les spécialistes qui suivent la personne concernée – qu’il s’agisse du médecin de famille, d’un-e thérapeute ou d’un-e autre professionnel-le de référence. Ces personnes disposent d’une connaissance approfondie du quotidien, des limitations, mais aussi des progrès réalisés. Une collaboration étroite avec ces expert-es permet d’éviter des décisions basées sur des observations ponctuelles, et favorise une compréhension globale et nuancée de la situation individuelle.

4. Prévenir les mesures hâtives et inappropriées

Les mesures de réinsertion professionnelle devraient être mises en place après une évaluation approfondie et un traitement adéquat. Des interventions précipitées et inadaptées peuvent non seulement être inefficaces, mais aussi, dans le pire des cas, causer des dommages supplémentaires. Une approche intégrée permet de ne pas maintenir coûte que coûte la capacité de travail sans stabiliser l’état de la personne. Or, ce n’est qu’en stabilisant qu’on favorise un rétablissement durable.

5. Revoir les procédures et les pratiques sur la base d’une approche personnalisée et transparente

Chaque personne est unique et mérite d’être traitée comme telle. Les procédures standardisées, souvent trop brèves, ne tiennent pas toujours compte des besoins spécifiques des personnes assurées. L’AI gagnerait à adopter une approche plus individualisée et transparente, fondée sur une analyse approfondie de chaque situation. Cela permettrait de concevoir des mesures véritablement adaptées, renforçant ainsi l’efficacité du soutien tout en assurant une utilisation plus ciblée et efficiente des ressources.

Retour à la vie professionnelle grâce à l'AI – comment réussir la réinsertion des personnes vivant avec un trouble du spectre de l'autisme

Améliorer le fonctionnement de l’AI, en particulier dans les cas complexes comme ceux liés à l’autisme, passe par une approche individualisée, respectueuse et collaborative. En impliquant les thérapeutes, en posant les bonnes questions, et en adaptant les interventions, l’AI pourrait offrir un accompagnement plus humain et plus efficace.

Les bilans de compétences, les mesures de coaching et de réinsertion doivent tenir compte des recommandations des thérapeutes référent-es, et s’appuyer sur un processus sécurisé, avec des rendez-vous réguliers et des échanges constants. L’octroi rapide d’une rente AI pourrait aussi apporter une stabilité financière précieuse, condition essentielle pour un rétablissement durable et une réintégration progressive dans le monde professionnel.

Une telle approche favoriserait non seulement un retour plus rapide à l’équilibre personnel, mais aussi une meilleure reconnaissance et validation du vécu des personnes assurées. Un accompagnement empathique, fondé sur la compréhension et le respect, est la clé d’une réinsertion réussie.»

Conclusion: un accompagnement individuel et une meilleure connaissance des TSA auprès de l'office AI sont les clés d'une réinsertion réussie

L’AI peut jouer un rôle important dans la réinsertion professionnelle des personnes autistes – à condition que l’accompagnement soit individuel, professionnel et respectueux. Mon témoignage montre qu’il existe encore un potentiel d’amélioration considérable dans la pratique. Une plus grande implication des professionnel-les, une meilleure connaissance des TSA et une approche plus flexible pourraient augmenter considérablement l’efficacité des mesures.»

* Nom connu de la rédaction

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