Helvétie, réveille-toi!
Qu’est-ce que le moine de la comptine pour enfants «Frère Jacques» et la Suisse ont en commun? Tous deux dorment encore. Le moine ne sonne pas les matines, et la Suisse ne met pas en œuvre la CDPH. Celles et ceux qui pâtissent de l’oubli du moine peuvent revenir à la charge la nuit suivante. Celles et ceux qui trinquent dans le cas Suisse/CDPH, ce sont nous, les personnes handicapées. Car cela fait neuf ans que nous attendons.
À ce stade, je préfèrerais écouter la chanson «Frère Jacques». Car dans cette chanson, le moine est rappelé à l’ordre avec insistance: «Dormez-vous? Dormez-vous?» Je voudrais en faire de même avec la Suisse, la secouer pour la réveiller et lui crier: «Dors-tu?» Il ne s’agit là que d’une question rhétorique, car la Suisse s’est réellement endormie sur la CDPH.
La Convention a été ratifiée en 2014 et depuis lors, cette dernière s’applique en Suisse. En théorie. En réalité, il reste encore beaucoup à faire en la matière. Sur plus de 80 points, l’ONU n’est pas satisfaite de la Suisse – un verdict accablant.
Des propositions restrictives
«Afin de donner suite aux recommandations du Comité, des propositions seront soumises au Conseil fédéral début 2023», nous dit le BFEH. Il est temps! Mais le fait que cela ne concerne que les domaines du logement, du travail, de l’accessibilité aux prestations et de la participation sociale est inquiétant. La Suisse se bride ainsi une fois de plus. Et celles et ceux qui en pâtissent, ce sont nous, les personnes avec handicap.
Les limitations ne s’arrêtent pas là: «Le logement autonome est un domaine central de la vie des personnes handicapée» peut-on lire dans l’article du BFEH. Certes! Mais le droit à l’autodétermination ne se limite pas au logement, loin s’en faut.
Cela va bien au delà et concerne tous les domaines de la vie, à savoir aussi le travail, les loisirs, la famille et bien d’autres choses encore.
L’assistance personnelle, un élément central pour l’ONU
Les limitations semblent être un fil rouge de la politique du handicap de la Confédération. L’autodétermination ne signifie pas uniquement décider soi-même avec qui on veut vivre, où et dans quel type de logement, comme l’écrit le BFEH.
Les personnes avec handicap qui dépendent d’une assistance ne peuvent vivre de manière autodéterminée que si elles décident elles-mêmes de l’aide dont elles ont besoin. Un des moyens pour y parvenir est l’assistance personnelle.
Bien que nous nous engagions depuis plus de 25 ans en faveur de l’assistance personnelle, cette forme de soutien n’est pas mentionnée. Et pourquoi pas? L’assistance personnelle n’est-elle pas aussi essentielle pour le BFEH que pour l’ONU? L’assistance personnelle est en effet explicitement mentionnée à l’art. 19 de la CDPH.
L’ONU ne s’intéresse pas seulement aux prestations (de proximité). Pour l’ONU, il s’agit aussi de permettre aux personnes handicapées d’organiser elles-mêmes l’assistance dont elles ont besoin. C’est ce que l’on peut lire dans le commentaire relatif à l’art. 19 CDPH (Observations générales n° 5, art. 16d ii).
Prochaines étapes attendues depuis longtemps
«La Confédération n’est pas la seule compétente en la matière, les cantons et les communes le sont aussi. Les recommandations doivent d’abord être classées et ensuite priorisées. Une réflexion approfondie est nécessaire. Les mesures doivent être élaborées conjointement. Le BFEH coordonnera la procédure.»
Les prochaines étapes de la mise en œuvre de la CDPH par la Confédération semblent justifier l’inaction.
«Sonnez les matines. Ding, dang dong». Ainsi se termine la comptine mentionnée en début d’article. La Suisse semble sourde aux cloches qui sonnent les matines dans le monde entier pour l’inclusion des personnes avec handicap. Il est grand temps que nous secouions nous-mêmes notre pays pour enfin le réveiller!