Rentes AI: voilà comment l’invalidité est calculée
La 7e révision de l’AI a introduit un nouveau système de rentes. Un système qui s’appuie sur des tableaux salariaux déconnectés de la réalité, pour déterminer le degré d’invalidité. Agile demande des bases de calculs salariales correspondent à la réalité des personnes touchées dans leur santé. Ces bases de calcul doivent prendre en compte de la réalité du marché du travailet de la conjoncture économique, de même que de l’ouverture des employeuses et employeurs à embaucher des personnes en situation de handicap.
À propos de cette contribution
Cet article de Roland Gossweiler, ConCap Gossweiler SA, décrit le mode de calcul de l’invalidité. Voici la manière dont le taux d’invalidité est calculé, qui correspond ensuite au montant de la rente octroyée. La base du calcul: Le revenu sans invalidité et le revenu avec invalidité.K Afin de correspondre aux dispositions légales, des termes traditionnels tels que «invalide», «invalidité» ou «invalide de naissance ou précoce» sont délibérément utilisés. Pour Agile, l’utilisation de termes non discriminatoire est une revendication importante, que ce soit en politique ou en société. Pour en savoir plus, lire Les mots qui alimentent le capacitisme https://www.agile.ch/_files/ugd/3b62ac_b03291ee1aa6459292da3c902985ff9c.pdf?index=true
L’assurance-invalidité (AI) vise à réinsérer les personnes atteintes dans leur santé dans le monde du travail par différentes mesures. Le but est qu’à la suite de la survenue d’une atteinte à la santé, et après avoir accompli diverses mesures de réadaptation de l’AI, la personne puisse à nouveau réaliser un revenu équivalent à celui qu’elle gagnait auparavant. Mais bien souvent, ce n’est pas le cas. Lorsque la personne assurée retrouve un emploi convenable après les mesures de réadaptation, son salaire est généralement nettement inférieur à celui qu’elle percevait avant les mesures. La différence entre ancien et nouveau salaire est qualifiée de perte de salaire due à l’invalidité. Cet argent manque à la personne pour vivre.
L’AI clarifie systématiquement si la personne assurée a droit à une rente. Et pour obtenir une rente, la différence entre l’ancien et le nouveau salaire doit dépasser un certain montant. La perte de salaire est calculée en pourcentage du salaire perçu précédemment, c’est-àdire le salaire sans atteinte à la santé. Ce pourcentage est appelé «taux d’invalidité», ou taux AI.
Le système de sécurité sociales comportent des lacunes qui contribuent à la paupérisation des personnes en situation de handicap.
Exemples de calculs du taux d’invalidité AI et de la rente AI
Madame Z. est caissière dans le commerce de détail. Elle gagne 4000 francs par mois. Elle éprouve de plus en plus souvent des difficultés à gérer le stress quotidien à la caisse. Elle est de plus en plus absente. Après les traitements médicaux, l’AI détermine de quelle façon madame Z. peut être réinsérée dans le marché du travail. Dans ce but, elle suit des mesures de réadaptation de l’AI. Madame Z. peut continuer à travailler pour son ancien employeur dans un secteur moins stressant.
Variante 1
Pendant cette période, elle touche un salaire mensuel de 3000 francs. Elle perd donc 1000 francs chaque mois. Cela représente un quart du salaire qu’elle percevait avant le début de la maladie, autrement dit 25%. Son taux d’invalidité est donc de 25%. Madame Z. n’obtient aucune rente AI, car pour obtenir une rente AI, il faut avoir un taux d’invalidité de 40% au moins.
Variante 2
Elle continue à être rétrogradée et ne touche plus que 2000 francs par mois. Ainsi, chaque mois, elle perd 2000 francs. Cela représente la moitié de son salaire de base, autrement dit 50%. Son taux d’invalidité se monte alors à 50%. Madame Z. obtient donc une demi-rente.
Variante 3
Si madame Z. doit encore réduire son temps de travail et ne gagne plus que 1000 francs par mois, elle perd donc 3000 francs tous les mois. Cela représente trois quarts de son salaire de base, autrement dit 75%. Son taux d’invalidité est donc de 75%. Madame Z. reçoit alors une rente pleine.
La rente AI est donc calculée sur la base du taux d’invalidité. Le système de rente actuel prévoit un quart de rente pour un taux d’invalidité de 40% à 49%, une demi-rente pour un taux d’invalidité de 50% à 59%, trois quarts de rente pour un taux d’invalidité de 60% à 69% et une rente pleine pour un taux d’invalidité de 70% ou plus.
Le nouveau système de rentes
La dernière révision de l’AI a introduit un nouveau système de calcul de rentes. Le seuil d’entrée pour l’octroi d’une rente est maintenu à un taux d’invalidité de 40%.
Nos revendications
Le seuil d’accès à une rente AI doit être abaissé Dans le premier exemple, madame Z. perd un quart de son salaire, mais n’a droit à aucune rente. Cette grosse lacune de notre système de sécurité sociale est particulièrement choquante pour AGILE.CH, car elle contribue à la paupérisation des personnes en situation de handicap.
Avec ses organisations partenaires, Agile s’est mobilisée avec succès pour que la rente pleine soit maintenue à partir d’un taux d’invalidité de 70%. Entre 40% et 69% de taux d’invalidité, le nouveau système prévoit une modification de la rente pour chaque pourcentage.
L’évaluation de l’invalidité, autrement dit le calcul du taux d’invalidité ayant une importance accrue avec le nouveau système de rentes, Agile a demandé qu’il soit ancré dans l’ordonnance y relative. Chaque point de pourcentage du taux d’invalidité compte, car il détermine le montant de la rente.
Et comme décrit dans l’exemple ci-dessus, la perte de salaire détermine le taux d’invalidité. Une comparaison est faite entre le salaire antérieur à l’atteinte à la santé (revenu sans handicap ou revenu sans invalidité) et le salaire potentiel (revenu avec handicap ou revenu avec invalidité). C’est ce que l’on appelle la «comparaison des revenus».
Revenu sans invalidité (revenu de valide)
Si les salaires sont des salaires réels, comme ceux décrit ci-dessus, il est relativement facile de calculer le taux d’invalidité. handelt. L’opération devient plus difficile et compliquée si ni le revenu sans handicap, ni celui avec handicap ne sont des salaires effectifs. Dans de tels cas − les plus fréquents − l’AI utilise ce qu’on appelle des barèmes salariaux (ou grilles salariales). Il s’agit des salaires médians saisis tous les deux ans par l’Office fédéral de la statistique (OFS) L’ensemble de ces grilles forme l’enquête sur la structure des salaires (ESS) de l’OFS. Le montant des salaires mensuels bruts dépend d’un grand nombre de facteurs. Il varie par exemple en fonction du taux d’activité, du poste, du genre et du secteur économique (public, privé). La moyenne (ou médian) doit être calculée à partir de ces grilles.
Handicaps de naissance et précoces
Jusqu’à présent, c’est la valeur moyenne de la grille pour l’ensemble des secteurs public et privé. Ce montant s’élève à 83 500 francs en 2021. Le Conseil fédéral propose désormais d’utiliser un autre barème, celui du secteur privé.
Nos revendications
Agile désapprouve ce changement. Dans le cas des handicaps congénitaux et précoces, on ne sait pas quelle aurait été la voie de formation professionnelle des personnes concernées. Pour le calcul de leurs rentes, il est donc nécessaire de prendre en compte un revenu sans invalidité reflétant à la fois le secteur privé et le secteur public. Agile demande donc que l’on continue à utiliser la moyenne (médian) de l’ensemble des secteurs privé et public comme base de calcul.
Selon le Conseil fédéral, la nouvelle réglementation ne devrait s’appliquer qu’aux personnes qui ne sont pas en mesure d’entreprendre une formation professionnelle en raison d’un handicap. Cette nouvelle réglementation excluera celles et ceux qui sont à même de commencer une formation, sans pour autant pouvoir la mener à terme, ou dont l’achèvement ne leur permettra pas de gagner le même salaire que les personnes non handicapées ayant la même formation. Dans le cas des graves atteintes à la santé, qui sont fréquentes, il est difficile d’estimer le parcours professionnel qu’une personne aurait suivi sans atteinte à la santé. La référence à des professions spécifiques lors de la détermination du revenu sans invalidité ne rend donc guère justice aux cas individuels et génère une inégalité de traitement.
Nos revendications
Agile réfute cette mesure d’exclusion décidée par le Conseil fédéral. La détermination du revenu sans invalidité ne doit engendrer aucune baisse. Les dispositions y relatives soient adaptées.
Des salaires inférieurs à la moyenne
Si le salaire avant invalidité est inférieur de plus de 5% au salaire standard du secteur, il doit être automatiquement augmenté. Le revenu sans invalidité doit être augmenté à hauteur de 95% de la moyenne du secteur (médian). Cette mesure est appelée «parallélisation automatique».
AGILE.CH salue le fait que la parallélisation automatique soit appliquée à l’avenir. De cette manière, les salaires inférieurs à la moyenne seront systématiquement signalés.
Indépendant-es
Les jeunes indépendant-es en particulier, se versent de très bas salaires durant la phase de démarrage. L’argent est utilisé pour investir dans l’entreprise. Si un handicap survient en telle situation, ce bas salaire servira de base au calcul du revenu sans invalidité. Par conséquent, le taux d’invalidité sera bas et la rente de même. Un autre facteur à prendre en considération est que les caisses de pension se basent sur la décision AI pour calculer la rente LPP. À l’avenir, de telles situations devraient également être mieux prises en compte par l’AI. Le salaire perçu jusque-là n’est pas représentatif. Il ne sera plus le seul critère pour déterminer le revenu sans invalidité
Agile salue la meilleure prise en compte des spécificités des jeunes entrepreneurs et entrepreneuses.
Revenu et handicap (revenu avec invalidité)
On attend d’une personne en situation de handicap qu’elle utilise au mieux sa capacité fonctionnelle sur le marché du travail après l’apparition de son handicap et après l’achèvement des mesures de réadaptation. Le salaire perçu sera alors assimilé à un revenu avec handicap (revenu avec invalidité)
Capacité fonctionnelle
Le «taux d’abattement en raison d’une atteinte à la santé», appliqué jusqu’ici, doit être supprimé et remplacé par la capacité fonctionnelle. L’évaluation de la capacité fonctionnelle aura ainsi un poids majeur, car elle doit inclure et prendre en compte toutes les limitations dues à l’atteinte à la santé. Ces clarifications sont effectuées par les services médicaux régionaux (SMR). La capacité fonctionnelle doit être compréhensible et contenir toutes les restrictions dans leur intégralité. Pour ce faire, Agile considère la consultation systématique des médecins traitants comme étant une évidence.
Dans le rapport d’expert-es https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/63204.pdf« Evaluation des expertises médicales dans l’assurance-invalidité» d’août 2020, il est recommandé d’intensivier le dialogue entre SMR et médecins traitant (pour en savoir plus: Davantage de dialogue au lieu d’expertises onéreuses). En outre, des spécialistes de la médecine du travail, de l’intégration professionnelle, des secteurs concernés et des employeurs devraient être impliqués dans le processus interne de clarification de l’assurance. L’impact d’un déficit fonctionnel dans une activité salariée et celles qui y sont associées ne peut être évalué sous un angle uniquement médical. Une connaissance spécifique du lieu de travail et du marché de l’emploi est nécessaire pour évaluer la capacité fonctionnelle résiduelle des personnes en situation de handicap.
Nos revendications
La collaboration indispensable entre les professionnel-les susmentionné-es pour évaluer la capacité fonctionnelle soit dûment ancrée dans l’ordonnance
Influences externes
L’utilisation de la pleine capacité fonctionnelle ne dépend pas seulement de la personne concernée. Elle dépend avant tout du marché du travail, de la conjoncture économique et de la volonté des emeployeurs d’engager des personnes handicapées. L’étude BASS du 08.01.2021 (en allemand uniquement) montre que les personnes atteintes dans leur santé ont une position plus difficile sur le marché du travail et sont beaucoup plus susceptibles d’être au chômage ou sous-occupées.
En outre, l’AI part toujours du principe que le marché du travail est équilibré. Cela voudrait dire que chaque personne handicapée trouve un emploi correspondant à sa formation et à sa capacité résiduelle. La situation actuelle sur le marché du travail montre que ce n’est pas le cas. En raison de l’évolution technologique, les emplois de niche nécessaires aux personnes handicapées disparaissent également de plus en plus.
Nos revendications
L’impact du marché du travail, de la conjoncture économique et de la volonté des employeurs d’engager des personnes en situation de handicap
doivent être pleinement prises en compte dans le règlement.
L’hypothèse d’un marché du travail équilibré doit sérieusement être remise en question en matière d’intégration. Des solutions doivent être trouvées, qui reflètent mieux la réalité.
Des barêmes salariaux réalistes
Lorsque le revenu d’invalidité effectif fait défaut, ou que le SMR considère que la capacité fonctionnelle n’est pas pleinement utilisée, un revenu d’invalidité théorique est déterminé en utilisant les barèmes de l’enquête sur la structure des salaires La détermination du revenu d’invalidité à partir des barèmes de salaires
est extrêmement délicate, ces grilles n’ayant pas été élaborées pour comparer les revenus dans l’AI. C’est la raison pour laquelle les barêmes salariaux utilisés ne crépondent pas aux exigences spécifiques au handicap. Ce point est également confirmé par l’étude BASS susmentionnée, qui énumère notamment les raisons suivantes pour lesquelles les grilles salariales actuelles sont inadaptées:
- Les barèmes salariaux reflètent largement le niveau salarial des personnes sans atteinte à la santé. Or, les salaires des personnes atteintes dans leur santé sont systématiquement nettement inférieurs à ceux des personnes en bonne santé.
- D’importants facteurs salariaux tels que le niveau d’éducation, l’âge, la nationalité, l’ancienneté, le secteur économique et le périmètre régional ne sont pas pris en compte.
- Les niveaux de compétences ne font pas de distinction entre les travaux physiquement exigeants et ceux qui le sont moins, et il est clairement établi que les travaux physiquement exigeants sont mieux rémunérés.
Si les barèmes devaient être inscrits dans l’ordonnance, des améliorations et des précisions sont nécessaires. D’autres études indiquent clairement que les grilles salariales doivent être adaptées de toute urgence à la réalité des personnes handicapées.
Agile salue le fait qu’un groupe de travail développe un concept permettant de mieux déterminer le taux d’invalidité. Le but doit être de créer une nouvelle grille ESS qui intègre de manière significative les réalités des personnes en situation de handicap. Une telle grille ESS, développée pour l’AI, sera utilisée pour la comparaison des revenus et reflétera plus fidèlement les capacités salariales des personnes handicapées, ce qui est impératif pour la détermination du taux d’invalidité.
Nos revendications
La poursuite du développement de la base de comparaison des revenus est essentielle. Cette évolution doit être stipulée dans l’ordonnance.
Abattement en raison d'une atteinte à la santé
Aujourd’hui, il est possible d’effectuer un «abattement en raison d’une atteinte à la santé» allant jusqu’à 25% du revenu d’invalidité. Mais le Conseil fédéral a décidé de la supprimer. Les facteurs liés à l’atteinte à la santé doivent être pris en compte lors de la détermination de la capacité fonctionnelle.
Agile rejette fermement la suppression de l’abattement en raison d’une atteinte à la santé. Tant que les barèmes ESS actuels de l’OFS sont appliqués, et tant que les exigences spécifiques du revenu avec invalidité ne sont pas prises en compte, l’abattement est indispensable comme instrument de correction. Agile ne peut en aucun cas accepter la suppression de cet abattement, à moins que:
- une nouvelle grille ESS soit créée, adaptée à la détermination du revenu d’invalidité et
- que la capacité fonctionnelle et son utilisation effective sur le marché du travail soient évaluées dans la pratique, de manière cohérente, systématique et surtout globale.