Freedom Drive 2024: «Institutions are no solutions!»
La Suisse a participé pour la première fois au Freedom Drive avec une délégation de sept membres d’InVIEdual. Sous la devise «Reclaiming our rights now!»(Réclamons nos droits maintenant!) des personnes en situation de handicap venues de toute l’Europe se sont rassemblées à Bruxelles pour une conférence de trois jours. Le point culminant a été le cortège de protestation devant le Parlement européen. Les participant-es racontent.
La liberté, ni plus ni moins!
Chants, trompettes et tambours retentissent dans les rues de Bruxelles. C’est le Freedom Drive – sans doute l’événement le plus important organisé par le Réseau européen pour la Vie Autonome (ENIL). Cette manifestation a lieu tous les deux ans à Bruxelles et dénonce les lacunes de la mise en œuvre de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées. 300 à 400 personnes avec handicap venues des quatre coins de l’Europe se sont rassemblées – beaucoup voyageant avec leur assistant-e personnel-le. Nous nous faisons entendre haut et fort: «Rien sans nous!», «Abolissons les barrières», «Les institutions ne sont pas notre maison – la vie autodéterminée est la bonne voie», «We are here, we are loud, we are disabled, we are proud!» («Nous sommes là, nous faisons du bruit, nous vivons avec un handicap, nous sommes fiers»).
Les revendications du Freedom Drive
Réformer toute la législation relative aux fonds européens et aux aides étatiques afin de garantir que les financements soient affectés à des services de proximité.
Adopter des stratégies visant à étendre les services de proximité et les services à base communautaire centrés sur la personne, mais aussi à désinstitutionnaliser dans tous les États membres et par des mesures globales.
À cette fin, la proposition de règlement sur la protection des adultes ayant besoin d’accompagnement devrait être entièrement révisée en remplaçant tous les paragraphes relatifs à la privation de la capacité d’agir.
En ce sens, il s’agit d’assurer l’égalité d’accès à l’emploi, aux soins de santé, à la sécurité sociale, à l’éducation, à tous les biens et services et au logement dans la Communauté.
L’UE a besoin de créer des points de contact dans tous les domaines politiques, d’un dispositif de coordination transversal au sein des instances européennes approprié et d’un mécanisme de participation de la société civile.
Sina Eggimann raconte: «Nous avons défilé dans les rues ensemble, en tant que groupe uni de personnes vivant avec différents handicaps, pour exiger la liberté, maintenant! Ça a été mon moment fort du Freedom Drive». Elle souligne que pour nous, personnes avec handicap, la liberté signifie que ce qui va de soi pour les autres ne doit pas être un luxe pour nous – ni plus ni moins.
«C’était vraiment formidable de voir autant de personnes de toute l’Europe crier haut et fort “Institution no solution!” (Les institutions ne sont pas la solution!) et souligner ainsi tout le travail qu’il nous reste à accomplir», ajoute Raphaël de Riedmatten.
Des affiches et des bannières avaient été peintes à l’avance. Petra Stokar a ainsi découvert une nouvelle forme d’expression artistique: «Je combine désormais mes œuvres d’art avec du texte – un instrument puissant pour donner une voix aux gens. Bien entendu, pour le faire, j’ai besoin d’une assistance personnelle».
S’unir pour défendre nos droits
Le cortège se termine au Parlement européen, auquel nous avons remis les revendications du Freedom Drive (voir ci-dessous). Nous y avons été accueillis par Katrin Langensiepen, l’une des trois parlementaires européen-es en situation de handicap. Dans son discours de bienvenue, elle a même évoqué notre délégation suisse, appréciant le fait que nous soyons là, même si la Suisse n’est pas membre de l’UE. Simone Leuenberger a été particulièrement touchée par ses mots: «Cela me montre une fois de plus que pour défendre nos droits, nous devons nous unir».
Nous enchaînons avec la fête du jubilée de l’ENIL. Des activistes de la vie autodéterminée racontent leurs expériences de ces 35 dernières années. Ensuite, nous avons tout le temps de nouer des contacts, de discuter et de partager nos succès et nos échecs. «L’échange avec les organisations et les personnes sur les différents systèmes et situations a été très enrichissant», résume Gian Andrea Kollegger. Et à Emmanuelle Chaudet-Julien de conclure: «Le Freedom Drive est une formidable occasion de rencontrer du monde! Nous sommes tous différent-es et pourtant nous parlons de la même chose: nous devons défendre nos droits!»
Désinstitutionnaliser, et non pas réinstitutionnaliser
Grâce à des ateliers et conférences, nous avons l’occasion de découvrir des projets de toute l’Europe et partager nos expériences. Et nous constatons que nous sommes toutes et tous confronté-es aux mêmes problèmes: «Nos termes et concepts sont réinterprétés et utilisés à mauvais escient», explique Brian McGowan. Il n’y a donc pas qu’en Suisse que l’on assiste à une forme de réinstitutionnalisation à domicile. Certes, le fait que les personnes en situation de handicap souhaitent vivre dans leur propre logement est de plus en plus admis. Mais l’assistance dont elles ont besoin provient toujours d’une institution ou d’un prestataire de services, elle est donc déterminée par des tiers. Une vie avec une assistance personnelle est encore inaccessible pour de nombreuses personnes avec handicap.
Un projet norvégien de prise de décision accompagnée donne de l’espoir. Les personnes vivant avec un handicap cognitif bénéficient d’un accompagnement par différentes personnes de référence. L’objectif est qu’elles puissent décider en fonction de leur volonté réelle et de leurs préférences et que personne ne décide à leur place. «Le prétexte de protéger les personnes vivant avec un handicap cognitif ne doit pas servir à les priver de leurs droits», nous rappelle Theresia Degener, juriste allemande et professeur de droit et d’études sur le handicap.
Rendez-vous en 2026!
Nous rentrons chez nous avec de nombreux contacts en plus, de nouvelles idées et une bonne dose de persévérance et de ténacité. Ou pour reprendre les mots d’Emmanuelle Chaudet-Julien: «Cette expérience nous a soudé, motivé, dynamisé. Quelle chance d’avoir participé à cela!»
Le prochaine Freedom Drive aura probablement lieu du 21 au 23 septembre 2026 à Bruxelles. Réservez d’ores et déjà cette date dans votre agenda. Nous avons l’intention d’être à nouveau, si possible avec une délégation suisse encore plus étoffée.
Nous avons déjà été sollicité-es pour venir faire part de nos expériences en Suisse, ce que nous acceptons volontiers! Nous espérons remporter encore quelques succès d’ici là dans la lutte pour une vie autodéterminée des personnes en situation de handicap les plus diverses.