Infirmités congénitales et mesures médicales: «Tout sur nous, mais sans nous!»

L’actualisation de la liste des infirmités congénitales (LIC) s’est faite à huis clos, sans y associer les personnes en situatin de handicap, pourtant expertes dans ce domaine. La même chose prévaut pour les mesures médicales de réadaptation, qui sont même parfois contraires aux buts du développement continu de l’AI. Agile demande davantage de flexibilité.

Si une maladie grave et/ou un handicap sont diagnostiqués chez un enfant à la naissance, il a droit à un traitement avec prise en charge des coûts par l’assurance invalidité (AI) pour autant que la maladie et/ou le handicap figurent sur la liste des infirmités congénitales (LIC). Élaborée en 1985, la liste contenait plus de 200 diagnostics et groupes de diagnostics. Le Conseil fédéral a décidé de l’actualiser dans la foulée de la 7e révision de l’AI, pour tenir compte des progrès médicaux. Prenons l’exemple de l’hernie inguinale. Alors qu’il y a vingt ans, il nécessitait une opération invasive et risquée du nourrisson, ce défaut de la paroi abdominale se traite aujourd’hui par une simple laparoscopie. Si une maladie ou un handicap ne figurent pas dans la LIC, leur traitement n’est pas pris en charge par l’AI, mais par l’assurance-maladie.

Une série de suppressions de maladies et de handicaps de la LIC pour les raisons susmentionnées devrait permettre d’économiser 120 millions de francs. Une meilleure gestion des cas, un contrôle accru des factures et surtout l’application aux prestations AI des critères EAE (efficacité, adéquation et économicité), tels qu’appliqués à l’assurance-maladie, devraient permettre des économies supplémentaires de 40 millions de francs. Les critères EAE sont donc désormais appliqués aux traitement des infirmités congénitales et aux mesures médicales y relatives.

En vérité, la neutralité des coûts consiste à tranquilliser les parlementaires et s'opère souvent sur le dos des assuré-es.

Contrôles renforcés = obstacles administratifs = économies?

Mais les 160 millions ainsi économisés n’iront pas dans la poche des assuré-es. Ils serviront a ajouter toute une série de maladies rares dans la LIC. Seulement, nous ne savons pas lesquelles, puisque le rapport explicatif du Conseil fédéral n’est pas très… explicatif! Les informations qu’Agile a reçues de l’OFAS et d’autres institutions ne nous ont pas permis de faire la lumière sur la nébuleuse question des 160 millions. Ren revanche, dans son rapport, le Conseil fédéral estime que l’actualisation de la LIC coûtera 22 millions de moins que prévu. Sur le dos de qui?

L'application des cirères EAE est discutable.

Agile n’est pas fondamentalement opposée à l’application des critères EAE aux mesures médicales, pour autant qu’elle soit uniforme et équitable. Le fait de soumettre les traitements de maladies rares au critère d’efficacité soulève de nombreux doutes, car ces traitements consistent en général à stabiliser la maladie et à en ralentir l’évolution, plutôt qu’à la soigner. En plus, une telle application semble générer une importante charge administrative, comme le mentionne le rapport explicatif. Un contrôle accru signifie certes une meilleure gestion financière, mais aussi une charge supplémentaire pour les parents d’enfants handicapés, souvent désemparés et dépassés par la situation. De plus, les ordonnances et réglements qui découlent de la 7e révision de la LAI sont si complexes qu’ils ne sont compréhensibles que pour les initié-es. Il y a définitivement un potentiel d’amélioration en ce qui concerne l’accessibilité des informations pour les personnes handicapées.

Delegierte an der Agile Delegiertenversammlung 2023 in Bern © Agile/Mark Henley

Adaptations incompatibes avec le développement continu de l'AI

Le développement continu de l’AI vise en particulier à «soutenir de façon encore plus ciblée les enfants et les jeunes en situation de handicap ainsi que les personnes atteintes dans leur santé psychique, ceci afin de renforcer leur potentiel de réadaptation et d’améliorer leur aptitude au placement.» Agile s’étonne par exemple du fait que la logopédie ne fasse pas partie des mesures médicales prises en charge par l’AI Les troubles du langage revêtent souvent un caractère invalidant qui peut non seulement impacter la scolarité de la personne concernée, mais aussi prétériter son intégration professionnelle.

L'exemple des troubles du comportement présents à la naissance

Pour que le traitement des troubles du comportement congénitaux chez les enfants sans handicap cognitif soit pris en charge par l’AI, le diagnostic et le début du traitement doivent avoir lieu AVANT l’âge de 9 ans. Les troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA-H) ne sont pas toujours diagnostiqués avant la 9e année, mais souvent au cours de l’adolescence. Or on sait quels obstacles ils représentent lors de la scolarité et de la formation professionnelle, ainsi que leurs conséquences graves à long-terme: échec scolaire, dépression, problèmes relationnels, abus de substances et troubles du comportement, avec toutes les difficultés d’intégration professionnelle qu’elles engendrent.

Exemple: maladies congénitales de la rétine

Dans le cas de maladies congénitales de la rétine, tant la dégénérescence que la perte de l’acuité visuelle divergent d’individu en individu et évoluent plus ou moins vite selon la personne. Les personnes concernées estiment qu’il est impossible de prévoir avant l’âge de cinq ans l’évolution de la perte d’acuité visuelle future, de même que la perte du champ visuel, dont il n’est malheureusement pas fait mention dans la LIC. Or, l’AI ne prévoit un traitement que si la perte d’acuité visuelle est constatée AVANT l’âge de cinq ans.

Aspects positifs

La nouvelle LIC sera réglée par voie d’ordonnance, c’est-à-dire par le Département de l’intérieur (DFI), et non plus par le Conseil fédéral, ce qui devrait permettre de l’actualiser plus facilement et régulièrement.

La nouvelle AI (RAI) prévoit la création d’un centre de compétences Médicaments à l’OFSP pour la prise en charge des médicaments par l’AI ainsi que le remplacement de la liste des médicaments destinés à traiter les infirmités congénitales par une nouvelle liste de spécialités permettront certes d’harmoniser les prises en charges respectives de l’AI et de l’AOS. Ceci permettra d’harmoniser les prises en charges respectives de l’AI et de l’AOS.

Agile salue également le fait que les mesures médicales de réinsertion puissent être prolongées jusqu’à la 25e année.

Assouplissement des durcissements et implication des personnes concernées

La 7e révision de l’AI vise au respect de la neutralité des coûts. En vérité, la neutralité des coûts consiste à tranquilliser les parlementaires et s’opère souvent sur le dos des assuré-es.

Nos revendications

Les critères EAE doivent être appliqués aux mesures médicales avec souplesse, en tenant compte du fait que la prise en charge de certaines prestations par la LAMal implique une ordonnance renouvelable (physiothérapie, ergothérapie, psychothérapie, etc.).

Agile demande la même souplesse dans la manière de fixer la nature, la durée et l’étendue d’une mesure médicale de réadaptation, pour éviter les prestations inutiles, ce qui est tout à fait logique. Il faut toutefois avant tout s’adapter aux situations individuelles et aux pathologies parfois difficilement diagnosticables.

Le délai fixé pour les conditions d’octroi de mesures de réadaptation doit être aussi flexible. En ce qui concerne les maladies rares, un délai de deux ans est beaucoup trop court. Le durcissement d’octroi de mesures médicales entraînera sans doute une grosse charge admi-nistrative sans pour autant générer les effets escomptés. Agile considère qu’il s’agit là d’une détérioration pour les assurés concernés et leurs pa-rents.

Agile demande que la LIC soit actualisée tous les deux ans, en intégrant les sociétés professionnelles de médecine, les organisations de patient-es et de personnes avec handicap.

Finalement, Agile demande que le terme d’«infirmité congénitale» soit remplacé par «maladies ou handicaps présents à la naissance» dans la future révision terminologique des assurances sociales.

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